Voir le VÉRITABLE PRONOSTIC du jour

Trot et galop : un monde de différences

En France, le programme des courses est réparti entre deux disciplines très différentes l'une de l'autre : le trot et le galop. Chaque allure a sa tradition, son monde et ses règles propres.

Le galop a précédé le trot dans les annales de l'hippisme parce qu'il allait de soi : un cheval atteint le maximum de sa vitesse au grand galop, une allure naturelle qui lui permettait, à l'état sauvage, d'échapper à ses prédateurs. Lorsqu'au xviiie siècle, les Anglais se sont les premiers concentrés sur un élevage spécifique à la course au galop, en croisant des pur-sang arabes, des barbes et des étalons orientaux à des juments désignées pour cette activité par leurs qualités propres, ils ont créé le pur sang (le Thoroughbred, dont la traduction la plus exacte est « élevé dans les règles »), la race la plus rapide au monde.

Les courses à cette époque ont vite été considérées comme le « sport des rois », en raison de l'intérêt que leur portait la noblesse britannique. Les coûts qu'entraînaient l'entretien d'un élevage et d'une écurie dès les premiers balbutiements de l'activité ont, de fait, limité l'hippisme aux plus fortunés. Ainsi, toute la tradition du galop, sur tous les continents, a été façonnée par les aristocraties et les grandes bourgeoisies locales. En France, les aristocrates français ont ramené de leur exil britannique, après les parenthèses révolutionnaire et impériale, le goût pour la course au galop, avant que celle-ci ne prenne réellement son essor sous le Second Empire. Les nantis trouvaient ainsi un moyen pacifique de s'affronter par fortunes et chevaux interposés. L'Empire anglais a jeté sur ses colonies les bases d'une activité hippique partout où il s'est étendu. Inspirés du programme classique anglais (le Derby d'Epsom demeurant la référence au niveau mondial), les calendriers se sont tous organisés sur le même modèle, ce qui a par la suite facilité les échanges internationaux. C'est ainsi que l'Amérique puis l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont devenus des terres d'élevage où s'exportaient parfois des étalons européens.

Parallèlement, un sport plus amateur s'est développé : le saut d'obstacles. Au croisement de la chasse à courre et de la course dite plate, il permettait à des « cavaliers du dimanche », des militaires et des dandys de s'affronter en selle sur des parcours variés, d'un clocher à l'autre (traduction littérale de Steeple-Chase). Progressivement soumis à un encadrement comparable à celui des épreuves de plat, l'obstacle a néanmoins continué de privilégier un certain amateurisme, notamment avec le patronage de l'armée côté français, et des chasseurs à courre sur les Îles Britanniques. Même si des hippodromes proches des grandes villes, comme Liverpool, Auteuil ou, pour l'anecdote, Saint-Ouen et Colombes, ont su organiser les principales rencontres dans la spécialité, c'est en province que demeurait le terreau le plus favorable à l'obstacle. Si là aussi, beaucoup d'aristocrates et de grandes fortunes se mesuraient dans les programmes, les gentlemen-farmers de France et de Grande-Bretagne ont pris une place importante dans ce nouvel establishment.

Le développement du trot tient à des conditions radicalement différentes du galop, plat comme obstacle, mais aussi à des situations sociales et géographiques très disparates. Aux États-Unis, par exemple, le trotting s'est organisé dès la fin du xviiie siècle en réaction au sport pratiqué par les occupants anglais, puis dans les états du sud. L'attelage léger était monnaie courante chez les premiers colons nord-américains, qui se mesuraient ainsi comme on le ferait aujourd'hui au volant de sa voiture banalisée d'un village à l'autre, au retour du sermon à l'église. L'élevage s'est constitué autour d'une seule discipline : le mile (1 609 mètres) à l'attelage. Cette particularité a donné le Standardbred, le « trotteur standard », conçu pour parcourir cette distance le plus vite possible au trot ou à l'amble. Plus abordable et populaire que le galop, le trot américain a prospéré dans tous les États de l'Est et du Midwest. Cette race de trotteurs, la plus aboutie en raison de la standardisation de ses critères de sélection, a apporté la vitesse nécessaire à tous les autres cheptels dans le monde, y compris à la Russie soviétique, qui importait des étalons standardbreds jusqu'aux heures les plus sombres de la Guerre froide.

Course de trot monté à Vincennes

La France est sans doute le pays qui a le plus longtemps résisté à cet attrait. Le trotting français a été porté sur les fonts baptismaux par l'Armée et les haras nationaux. La première recherchait une race de chevaux à plusieurs usages susceptible d'améliorer l'efficacité de la cavalerie et de la logistique. Il fallait des animaux robustes, capables de couvrir de longues distances avec de lourdes charges en un minimum de temps. En résumé, il fallait des chevaux pour tirer des canons et des vivres, mais aussi porter des cuirassiers sur le champ de bataille et d'un front à l'autre. Le trot monté avait donc une place de choix dans les programmes qui se sont développés en Normandie à partir des années 1830, puis à Vincennes, où l'on a d'abord pratiqué l'obstacle. Cette structure très encadrée explique sans doute le côté très administratif et bon marché du trotting jusqu'à aujourd'hui en France. C'est également dans ce contexte qu'est née une race spécifique, le « Trotteur français », dont le stud-book est demeuré globalement fermé aux apports de sang étranger, sauf pendant quelques périodes au gré des orientations politiques et des besoins de renouvellement génétique. À cet égard, c'est une exception mondiale. Le trot en France est une activité fondamentalement rurale. Cela tient à la rusticité des animaux, à leur faible prix (sans concurrence internationale, le marché est demeuré franco-français) et au fait que très longtemps, au monté comme à l'attelage, le poids des drivers et des jockeys n'a pas été déterminant. Chacun pouvait donc s'improviser entraîneur et pilote.

Aujourd'hui, les trois disciplines sont pratiquées en France à un très haut niveau de professionnalisme, et les organisations qui président à leurs destinées s'entendent sur l'essentiel. Toutefois, les traditions et la société propre à chacun sont demeurées. Les structures du trot et du galop divergent dans leur approche. Les premières sont plus portées sur la ruralité et une répartition sociale des ressources tandis que les secondes prônent l'élitisme et les échanges internationaux, en particulier en plat. La population de Vincennes le jour du Prix d'Amérique est plus populaire et rurale que celle du Grand Steeple-Chase de Paris à Auteuil, lui-même plus provincial et francophone que celui du Prix de l'Arc de Triomphe à Longchamp..

PRONOSTIC GRATUIT

Favoris :.

-

Outsiders :.

A VOIR AUSSI